Coca-Cola présente sa stratégie digitale en 2011
Les vidéos de présentation de la stratégie digitale
En 2011, la stratégie digitale présentée par Coca Cola a causé un certain émoi dans les chaumières. Vidéos YouTube à l’appui, le groupe avait avancé une stratégie de contenu franchement novatrice pour un groupe de cette ampleur.
Il s’agissait grosso modo de passer d’une excellence créative à une excellence de contenu. Lesdits contenus devant se caractériser autant que possible par une vision d’amélioration du monde, tout en servant, bien entendu, les objectifs commerciaux du groupe.
Soit dit en passant, les 18 minutes de présentation, en anglais, se regardent absolument sans douleur, ce qui est déjà un premier pas !
Le message de la stratégie digitale Coca Cola
Le message se veut novateur et se fonde sur un postulat : le conflit peut être constructif s’il est bien encadré, et libère alors une créativité réellement progressiste. L’idée est donc de drainer en son sein les idées, et de les confronter pour aboutir à une production de concepts constructive. Un genre de think-tank pétillant, en quelques sortes… Vous l’aurez compris, la stratégie digitale annoncée de Coca Cola est de devenir un catalyseur mondial de créativité progressiste. → twitter cette idée
Entre les lignes, on comprend que Coca Cola veut générer des contenus qui lui permettent, à investissement égal, d’être plus souvent mentionné grâce aux média sociaux que grâce aux moyens publicitaires classiques, tout en travaillant une image « propre », dynamique et positive.
Trois groupes de contenus sont proposés :
- 70% de contenu à faible risque pour assurer un impact moyen en intéressant la majorité des consommateurs.
- 20% de contenu innovant, qui cible des communautés plus réduites mais également plus engagées
- 10% de contenu à caractère fortement innovant. Ces derniers présentent un risque plus important d’échec (ou de manque d’intérêt). L’idée est qu’à partir de ces 10% se développeront un jour les prochains 20% ou 70%.
Coca Cola pense que la grande époque des publicités classiques est révolue et que les contenus authentiques et pertinents resserrent davantage le lien entre le client et la marque. Cela ne veut pas dire que ces derniers seront complètement abandonnées : elles ne seront juste vraisemblablement plus un outil majeur de la stratégie marketing.
Tout cela remonte à un an maintenant. Depuis cette annonce, on n’entendait plus parler du projet…
Mise en execution de la stratégie digitale en 2102
Or, début novembre 2102, roulement de tambours, et apparition du nouveau site du groupe. Le ton est donné : le vent de la révolution digitale souffle sur le marketing, nous entrons dans l’ère du contenu et du participatif !
Simplicité, accessibilité et innovation
Les mots d’ordre : simplicité, accessibilité. Le site est assez peu sophistiqué, et ressemble étrangement à du WordPress. Le code source propose toutefois une petite surprise aux curieux :
Désormais, les efforts déployés se concentrent sur des histoires qui se passent autour des marques du groupe, et/ou des produits au sens large. L’accent est plus particulièrement mis sur la responsabilité sociale de la société, par exemple sur l’engagement de Coca Cola en Inde. Mais on fait aussi dans le léger : « Comment commencer ma collection de bouteilles de Coca Cola » ou « 13 chansons dans lesquelles il est question de Cola« .
Quelques points novateurs du site :
- Il propose des liens sur des offres qui n’émanent pas du Groupe
- Les vidéos ne sont pas hébergées sur site mais sur Youtube
- Coca Cola introduit des techniques utilisées plutôt dans l’univers des blogs. Par exemple, des commentaires sont possibles (mais uniquement après Login via des comptes de réseaux sociaux pour éviter en partie le spamming et la troll-attitude). Le site propose également les fonctions de partage « classiques » rencontrées sur les blogs : Facebook, twitter, linkedin, G+, et … le nombre de partages correspondant. Ça… C’est plutôt novateur !
- Le site comporte une fonction vraiment pas banale – qui à mon avis mérite d’être mentionnée : le « Dim », qui permet d’occulter certains éléments de navigation pour que les yeux puissent se concentrer sur le texte.
Une stratégie de contenu axée sur la subjectivité
Le nouveau site est géré par quatre salariés à plein temps, sans compter la collaboration de 40 auteurs freelance. L’équipe travaille à la façon d’un magazine : établissement d’un calendrier de production et plan de rédaction.
Ashley Brown, responsable de la direction numérique de Coca Cola, considère que ses collaborateurs doivent travailler à la recherche de contenus au sein même de l’organisation. Il s’agit d’histoires sur la genèse des produits, sur les collaborateurs, les fournisseurs, les clients. Beaucoup de spécialistes du marketing ne croient pas (ou pas assez, ou pas encore, …) que de tels contenus présentent un intérêt pour le consommateur. Selon Coca-Cola, une personne qui a plaisir à acheter un produit, qui préfère une marque à une autre, est attachée à cette marque. Même légèrement. C’est pour cette raison qu’elle accepte volontiers que la marque en question entre dans sa vie par l’intermédiaire des médias sociaux.
Ce point de vue est, de fait, dans l’ère du temps. Si on le suit, la position des marques est donc la même que celle des personnes avec lesquelles on entretient des relations épisodiques : si le consommateur ne tient pas à être informé sans arrêt sur tous les petits détails sans importance, il apprécie néanmoins une communication régulière.
En situant sur le même niveau les hommes et les marques, Coca Cola en arrive à considérer que les histoires sur leur site doivent être racontées de manière subjective. Les textes de reportages ressemblent ainsi davantage à ceux d’un blog.
Une ouverture au dialogue clairement tranchée
Le site comporte également une partie que l’on ne trouve, à ma connaissance, nulle part sur d’autres sites d’entreprises de cette dimension: les opinions.
Si cet aspect est encore peu mis en avant, Ashley Brown a l’intention d’admettre à l’avenir également des contributeurs qui défendent des points de vue différents de ceux du groupe, même s’ils attaquent l’entreprise.
Brown s’imagine même accepter que le maire de New York, Michael Bloomberg explique pourquoi il exige que des restrictions soient imposées à la vente de grandes bouteilles de boissons sucrées. « Nous estimons chez Coca Cola qu’il est bon de ne pas se dérober devant des décisions difficiles et que cela nous rend crédibles ».
A l’heure actuelle, cette belle batterie collaborative et progressiste n’en est qu’à ses premiers toussotements. En termes de viralisation de contenu, les chiffres affichés sur les boutons de partages illustrent plutôt une certaine perplexité de l’audience face à cette nouvelle politique de communication. Il reste toutefois qu’au-delà du jugement qu’on pourrait porter sur la marque et les fondements intrinsèques de cette stratégie digitale, Coca Cola entre de plein pied dans l’ère du temps, confirmant par l’action le bouleversement structurel que subit actuellement le rapport de l’homme à la marque.
Cet article est très librement inspiré d’un article du blog allemand « Indiskretionehrensache » de Thomas Knuewer que je remercie.
Très intéressant cet article. Une stratégie « appliquée » qui risque bien de faire passer le pas à bien d’autres marques…
Bonne analyse du new marketing de coca cola