Luxe digital et sites web de marques prestigieuses : j’ai invité Lionel Millet (@LionelMillet), grand passionné de la question dont je vous présenterai la Bio en fin d’article, à nous donner à travers une série d’articles son approche de l’expression du luxe dans l’univers digital et en particulier sur les sites web de marques de champagne et vin. Il nous expliquera donc ici comment les marques de luxe nous font rêver sur leur sites web, ou… comment elles devraient le faire. Un grand merci à lui de s’être prêté à l’exercice !

Parler du luxe sur les supports digitaux se résume souvent soit à l’exaltation des bonnes pratiques, soit au discours rebattu sur les difficultés qu’ont rencontré les marques de luxe pour faire preuve de créativité et d’avant-gardisme sur le web.

Sans totalement nier la part de justesse de l’une et l’autre approche, je voudrais partir du très simple constat suivant :

  • De fait, une partie des marques de luxe y compris les plus brillantes propose des sites web à mille lieues de leur excellence (pour ne pas dire bizarres ou sans intérêt).
  • Sans revenir sur les arguments sur la supposée antinomie entre luxe et Internet, l’une des difficultés essentielles est de faire vivre à travers le web une expérience à la hauteur du caractère exceptionnel des créations de ces marques.

Je propose ici un chemin possible pour en faire l’épreuve.  Il s’agira de partir du concept forgé par Luxe Corp, le prestigieux cabinet de conseil en stratégie, de « luxemosphère » ; puis de l’appliquer à un secteur particulier, celui du champagne ; et enfin d’en tirer quelques bonnes pratiques et recommandations, ce dernier point faisant l’objet d’un article ultérieur.

Concept du luxe digital : la luxemosphère

Le marketing du web a introduit en 2002 le concept de « webmosphère »,  un néologisme combinant « web » et « atmosphère ». Les créations des marques en question sont dotées d’univers particulièrement marquants et riches et sont toutes très hautement sensuelles.

Se contenter du concept de webmosphère serait, en exagérant, présupposer une équivalence entre une montre Cartier et des vêtements bon marché : si le site de Zara a une webmosphère, peut-on (ou doit-on) l’entendre dans le même sens pour celui de Cartier ? Peut-on comparer sur un pied d’égalité la présence sur le web de Dom Pérignon avec la stratégie digitale de Coca-Cola ?

« La question est de créer une expérience en ligne exceptionnelle pour chaque personne visitant et revisitant le site web », souligne Uché Okonkwo dans son ouvrage majeur Luxury Online. C’est pourquoi un autre concept plus radical est nécessaire : celui de luxemosphère, « qui décrit l’atmosphère prestigieuse que chaque site de marque de luxe cherche à créer à la fois en ligne et hors ligne ».

L’objectif doit être pour une marque de luxe de créer des environnements uniques et inoubliables immergeant le visiteur dans l’univers de la marque.

Dans le domaine du luxe, le seul facteur qui déterminera une relation durable avec une marque est un renforcement perpétuel d’expériences positives à chaque point de contact, en particulier avec le site web.

Approche sensorielle des sites du luxe

Pour appréhender la luxemosphère d’un site web, il importe de partir d’une approche sensorielle :

  • Parce que les articles de luxe sont des objets qui le sont au plus haut point
  • Parce que l’expérience d’un site web passe d’abord par les sens, fût-ce pour rejoindre de manière détournée des dimensions plus spirituelles de l’expérience de la marque

Il s’agit d’apprécier via les 5 sens quel type d’expérience peut procurer le site d’une marque de luxe. Pour cela, il est possible de construire des grilles d’analyse tâchant, selon le secteur du luxe en question, de traduire cette dimension sensorielle en éléments concrets de la visite du site (les codes couleur, les sons, les descriptions, etc.) et de les objectiver grâce à des critères ergonomiques.

C’est une mise en application de cette démarche que je propose en choisissant d’analyser, après avoir déjà étudié les sites des parfumeurs, les sites web de quelques grands noms du champagne.

Un domaine : le champagne

Le choix du champagne mérite quelques mots :

  • Le champagne est emblématique du luxe dans l’imaginaire collectif
  • Il mêle très intimement sensorialité et imaginaire
  • Il symbolise la fête, mais aussi l’expérience prestigieuse et exceptionnelle
Luxe digital : pourquoi s'intéresser au champagne ?

Luxe digital : pourquoi s’intéresser au champagne ?

Un dernier point pourra également rendre le champagne encore plus intéressant : c’est l’un des produits de luxe les plus populaires, plus accessible encore que les parfums puisque même les maisons dont le prestige mondial ne fait aucun doute se trouvent pourtant représentées dans n’importe quel supermarché.

C’est donc un produit à la croisée du luxe exclusif (grands crus millésimés) et presque du « massetige » avec des bouteilles à moins de 30€. Je note en passant que cela peut expliquer pour une part les résultats que nous obtiendrons en analysant les sites.

Sensoriellement parlant, il me semble possible d’approcher les sites web des producteurs de champagne de la manière suivante :

  • Vue : La couleur du vin, la finesse des bulles, le soin apporté à l’étiquette, les capsules, … : le champagne est hautement visuel. Autant d’éléments qui doivent transparaître de manière détournée sur le site.
  • Odorat : L’odeur du vin, les termes très liés à l’univers olfactif et finalement à la parfumerie utilisés pour décrire l’odeur et le goût. Ce sens est puissamment impliqué, puisqu’il joue pour 80% dans le goût du produit.
  • Goût : Sens déterminant pour une boisson, surtout aussi noble : si l’on n’ira pas jusqu’à dire que le site doit mettre en appétit, ce qui serait un contresens sur le produit, il doit susciter un désir gustatif fort.
  • Ouïe : Son de l’ouverture de la bouteille,  de l’effervescence des bulles et du versement du vin : le champagne éveille l’ouïe, le site web de la marque doit donc la stimuler également.
  • Toucher : Il s’exprime sous forme de mouvement, lui-même lié au voyage (imaginaire, mais aussi dans les mystérieuses caves,…). Le produit même est également en mouvement, comme le rappelle la contemplation des bulles remontant à la surface du verre.

A l’évidence, nous ne pouvons escompter une expérience réelle du produit par un moyen virtuel. Mais la virtualité est d’abord la possibilité, et donc la stimulation de l’imagination et les moyens détournés.

Prenons l’exemple du goût, sens a priori le moins évident à mettre en éveil via un site web. Des descriptions fines et précises sont le moyen le plus évident. Mais d’autres outils comme le plan resserré et la haute définition des photos restent possibles, de même que l’ajout d’une fine fumée au dessus des plats est une pratique observable sur les sites des restaurateurs.

En partant de ces quelques considérations, je vous présenterai donc une analyse des sites de quelques-unes des plus grandes marques de champagne dans un prochain article. [Edit : voici le lien https://guillaume-dardier.fr/champagne-sites-web.html]

Vous avez des remarques ou vous souhaitez en savoir plus ?
N’hésitez pas à me contacter : lionel.millet[at]yahoo.fr

 

Lionel Millet a suivi un étonnant cursus universitaire, où la passion du luxe fut le liant entre un M2 philosophie et un M2 marketing & communication. Dans ses travaux de recherche, il propose une approche du digital originale et concrète aux marques de luxe, qui mêle luxe, ergonomie et philosophie.

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